Symbole incontournable de notre belle Lorraine, la Croix de Lorraine traverse les siècles, des champs de bataille médiévaux jusqu’aux plages du Débarquement.
Elle a vu tomber des ducs, se lever des généraux et s’unir des peuples. Mais d’où vient-elle vraiment, et pourquoi résonne-t-elle si fort encore aujourd’hui ?
La croix de Lorraine, reconnaissable à ses deux traverses horizontales, est avant tout une croix d’Anjou, croix religieuse et chrétienne.
Importée au XVe siècle par la maison d’Anjou, elle devient le blason officiel du duché de Lorraine grâce à René II. Une décision qui n’est pas anodine : cette croix deviendra un cri de ralliement contre l’envahisseur, puis un symbole éternel de liberté.
1477 : la victoire de René II et la naissance d’un emblème
Nous sommes en plein hiver, le 5 janvier 1477. Les plaines gelées autour de Nancy s’apprêtent à devenir le théâtre d’une bataille décisive. D’un côté, Charles le Téméraire, duc de Bourgogne, rêve de reconstituer un empire qui irait de la mer du Nord aux Alpes. De l’autre, René II, jeune duc de Lorraine, bien décidé à défendre son territoire.

La Lorraine est alors prise en étau entre les possessions bourguignonnes. Mais René II ne l’entend pas de cette oreille. Grâce à une alliance avec les Suisses et les Alsaciens, il réunit une armée de près de 20 000 hommes, déterminée à libérer Nancy.
Le coup de maître du 5 janvier
Alors que les Bourguignons croient les Lorrains en déroute, René II orchestre une attaque surprise. À 13h, les flocons cessent, le soleil perce : un signe pour les troupes.
Les Suisses débordent l’armée bourguignonne par le bois de Saurupt, pendant que les Lorrains foncent sur les murailles. Pris en tenaille, les soldats bourguignons s’effondrent.
Charles le Téméraire tente de fuir. Peine perdue : il est retrouvé mort près de l’étang de Saint-Jean. Une hache l’a terrassé. La victoire est totale, et la Lorraine libérée.
De la croix d’Anjou à la Croix de Lorraine
René II n’oublie pas les origines de sa lignée : il choisit d’inscrire la croix d’Anjou, à double traverse, comme symbole officiel du duché. Ainsi naît la Croix de Lorraine. Elle se veut à la fois héritage dynastique et symbole de triomphe face à l’envahisseur.
Rapidement, elle orne les drapeaux, les églises, les armoiries. Elle devient un marqueur d’identité régionale, une manière de dire : « Ici, c’est la Lorraine, et on résiste encore et toujours à l’envahisseur ! »
Un symbole ravivé par le Général de Gaulle
Sa résurrection moderne intervient dans un autre moment décisif de notre histoire : la Seconde Guerre mondiale. En juin 1940, la France est en déroute. Depuis Londres, le général de Gaulle lance son célèbre appel du 18 juin, refusant la défaite.
Avec son entourage – notamment le vice-amiral Muselier, il cherche un emblème fort, capable de contrer la sinistre croix gammée nazie.
Son choix ? La croix de Lorraine, bien sûr !
Riche de son passé lorrain et symbole de victoire contre l’oppression.
Une croix pour la France Libre
Le pavillon des Forces Françaises Libres affiche une croix rouge sur fond bleu. Partout où combattent les hommes de la France libre – sur mer, sur terre, dans les airs – elle est là. La croix de Lorraine devient la marque des résistants, l’insigne du courage face à l’occupation.
Le Mémorial Charles de Gaulle : 1600 m² pour ne jamais oublier
Colombey-les-Deux-Églises, vous connaissez ?
Ce n’est pas juste un paisible village de Haute-Marne, c’est surtout le lieu de repos – et d’élévation – du plus illustre des Français du XXe siècle. C’est ici que trône, sur la colline préférée du Général, une imposante Croix de Lorraine de 44 mètres de haut, visible à des kilomètres à la ronde.
En 1954, De Gaulle lui-même désigne l’emplacement en ces mots :
« Voyez cette colline. C’est le lieu le plus élevé de Colombey. On y édifiera une Croix de Lorraine, quand je serai mort. »
Inauguré en 1972, deux ans après sa disparition, le mémorial rend hommage non seulement à l’homme, mais aussi à la Résistance et à la France libre, ce mouvement né dans les heures sombres de 1940, quand Pétain capitulait et que De Gaulle, lui, se levait.
La Croix de Lorraine, sculptée dans le ciel
Érigée par 350 compagnons artisans, cette croix de béton armé n’est pas qu’un hommage, c’est un phare. Elle veille sur la mémoire nationale et rappelle que la liberté a parfois la forme d’une double traverse. Classé au titre des sites en 1974, ce monument s’intègre harmonieusement à la nature environnante, comme une sentinelle de granit et de silence.
Le lieu n’a pas été choisi au hasard : De Gaulle s’installe à Colombey dès 1934, dans sa chère Boisserie, modeste demeure familiale où il écrivait, lisait, méditait. Et rêvait sans doute à une France libre.
Un musée vivant sur 1 600 m² : plongez dans l’Histoire
Le Mémorial Charles de Gaulle, ce n’est pas un musée poussiéreux : c’est une immersion. Oubliez les vitrines figées ! Ici, plus de 1 000 photographies, des documents audio, des films projetés sur écrans géants, des reconstitutions visuelles vous replongent de 1890 à 1970.
Trois espaces composent cette visite unique :
- L’aile vitrée : accueil, boutique, restauration.
- L’exposition permanente : une plongée dans la vie du Général, de la tranchée de Verdun à l’appel du 18 juin, en passant par la création de la Ve République.
- L’auditorium de 194 places : conférences, spectacles, projections.
On y revit les combats de Koufra, de Bir Hakeim, mais aussi le bouillonnement culturel des années 60. Une époque, une vie, une nation.
La Boisserie, maison de l’âme gaullienne
Et pour prolonger la visite ? Direction La Boisserie, juste à côté. Le calme de cette demeure familiale, ouverte au public (sauf les appartements privés), contraste avec la ferveur du Mémorial.
On y découvre les objets intimes du Général :
- des masques africains, amphores romaines, défenses d’éléphants…
- son bureau dans la tour d’angle, ses « Mémoires de guerre » reliées de cuir vert, et même un simple briquet…
Chaque recoin de cette maison respire l’histoire et la simplicité.
Propriété de son fils, l’amiral Philippe de Gaulle, La Boisserie n’est pas un musée : c’est un sanctuaire familial devenu patrimoine national.